L'insomnie qui apaise le coeur et l'esprit

Cet instant après la rêverie est une douce délivrance de tous mes tourments et de mes angoisses les plus profondément enfouies au sein de mon être. Cet instant où j’ouvre les yeux encore endoloris suite à un sommeil qui aurait dû être réparateur et qui au final n’est qu’une accumulation de la fatigue qui ne parvient pas à partir tant je n’arrive pas à me sentir serein dans ce monde. Cet instant où je réalise que tout ce qui fait ma vie est réelle autant que douloureux alors que tout ce que je pense avoir vécu dans mes rêves n’est qu’un mirage de mon esprit désœuvré.

Me redressant sur le canapé de la salle commune des Gryffondor, je constate alors que la nuit est tombée depuis longtemps et que la pièce silencieuse est dépourvue de toute autre âme qui vive. Il y a bien le fantôme d’une femme qui lit, mais elle n’a pas réagi à ma présence. Pourtant, comme le rêve – ou plutôt le cauchemar – que je viens de faire est devenu presque une habitude de toutes mes nuits depuis sa mort, je ne parviens pas à me dire que j’ai pu rester silencieux. C’est également pour cela que je dors très peu dans le dortoir des septièmes années, j’ai tendance à les réveiller. Mes yeux se posent sur la fantôme qui semble me comprendre d’un simple regard et quitte la pièce en traversant le mur alors que je m’assois dans le canapé comme il s’agirait de le faire convenablement. Le feu de la cheminée crépite dans le foyer ouvert, mais je me doute que la nuit est loin d’être achevée. Non, il ne doit être plus de 1h ou 2h du matin.

Je regarde ensuite mes mains encore tremblantes de ce qu’elles ont l’impression d’avoir vécu il y a encore quelques secondes puisque je vis et revis encore et encore la mort de celle pour laquelle j’aurais donné ma vie. Je savais que j’avais tôt au tard me retrouver dans cette époque parce que mes parents m’en avaient parlé, mais j’ignorais à quel point cette vie qui m’était octroyée serait dévastatrice pour mon âme. Ne pas avoir atteint l’âge adulte et avoir vu et vécu la mort de près n’était pas dans la courbe logique… C’est une pensée qui me hante, mais qui est interrompu par le bruit d’une porte en bois à l’étage supérieur. Mes yeux se lèvent pour voir la personne qui arrive dans l’escalier de pierre tout en frottant mes mains de façon énergique sur mon pantalon pour qu’elles cessent de trembler. C’est lorsque je vois cette chevelure rousse si reconnaissable que mon cœur semble s’arrêter de battre. Je pourrais la reconnaître entre mille puisqu’elle est l’une des personnes les plus importantes de ma propre vie, même si à l’heure actuelle, elle ne sait pas qui je suis. Ô bien sûr, je me suis d’ores et déjà présenté à elle sous mon identité attribuée par le ministère, mais par la suite, je n’ai pas cherché à la connaître davantage pour ne pas faire de bourdes. Pourtant j’aimerais tant pouvoir lui parler à cœur ouvert puisque dans mon monde, elle est la seule capable de faire cesser mes larmes de couler, la seule capable de m’apporter cet amour inconditionnel dont tous les enfants ont besoin de retrouver auprès d’une mère, elle est ma mère.

“La nuit, toute chose prend sa forme et son vrai aspect. De même qu'on ne distingue que la nuit les étoiles du ciel, on aperçoit alors sur la terre bien des choses qu'on ne voit pas le jour.” || “Les cauchemars ont la chair grasse des baudroies. Depuis des millénaires, sublimes charognards, ils se nourrissent de nos peurs.”

Lasse de ne point trouver les bras de Morphée en dépit de tous ses efforts pour y parvenir, Rose abandonna la chaleur de ses draps... Il était rare qu'elle ne parvienne pas à trouver l'ivresse du sommeil – surtout après une longue journée. Hélas, il y avait des soirs comme ça. Et bien qu'elle en éprouvât une certaine frustration, rien qu'en imaginant les conséquences – dû à ce manque de sommeil – qui se feraient sans doute ressentir dans le courant de la journée, le lendemain, elle avait tout de même choisi de quitter son dortoir. Après tout, il n'y avait pas lieu de s'acharner. Si Morphée l'avait oublié, il n'allait pas faire machine arrière pour venir la trouver et lui offrir la tranquillité d'un chaleureux sommeil. Non.

Essayant en vain de ne pas faire grincer la lourde porte en bois de sa chambre commune, elle ne tarda pas à s'engouffrer dans l'embrasure de celle-ci. Pieds nus, elle renonça à l'idée de refermer la porte derrière elle afin de ne pas faire davantage de bruit. Baguette en main, elle attendit de s'être suffisamment avancé dans le sillon de l'escalier avant d'illuminer le bout de cette dernière à l'aide d'un sortilège. Pensant être seule, son pas se fit on ne peut plus lourd, une fois arrivé en bas. Pourtant, en dépit de la surprise et du soubresaut qui l'avait parcouru en découvrant que ce n'était guère le cas, Rose parvient néanmoins à retenir le cri naissant dans sa gorge. Une main devant sa bouche, comme si elle aurait réellement pu le retenir si elle l'avait laissé sortir. À quelques mètres d'elle, assis sur le canapé près de la cheminée, se tenait un jeune garçon. Devant lui, les flammes dansaient et crépitaient dans l'âtre.

- Bonsoir Jamie.

Le salua-t-elle après que l'effet de surprise se soit lentement dissipé.

Son prénom, Jamie, c'était à peu de chose près la seule et unique chose que chose savait à son sujet. Plutôt discret, ils n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de se parler auparavant. Toutefois, et probablement malgré lui, malgré elle, il lui avait toujours évoqué quelque chose – sans pour autant qu'elle ne puisse savoir de quoi il s'agissait vraiment. Un air de déjà-vu ? Le sentiment de le connaître, alors qu'elle était convaincue de ne jamais l'avoir vue en dehors de l'école. Mais ce genre d'impression était presque devenu monnaie courante depuis la divagation du temps, alors peut-être qu'il était plus sage de ne pas chercher à connaître les véritables raisons de ses dites impressions ?

J’ignorais ce qui était le plus étrange, faire des cauchemars sur le canapé de la salle commune et me réveiller en sursaut en pleine nuit ou bien me faire démasquer par la jeune femme qui était en réalité ma mère alors même qu’elle l’ignorait. Je me sentais dubitatif alors qu’elle semblait avoir eu peur de moi – ou plutôt de ma présence. En même temps, dans la majeure partie du temps, à cette heure tardive, les élèves sont dans leurs lits et non perdus sur le canapé devant la cheminée.

Alors qu’elle me salue, je hoche la tête en répondant d’une voix rauque et cassée :

« Bonsoir Rose… Désolé, je ne voulais pas te faire peur… »

En même temps, je n’avais rien fait de particulier pour l’effrayer à part simplement me trouver ici. Je me réinstallais sur le canapé pour replier mes jambes devant mon corps et posait mon menton sur mes genoux en ajoutant :

« Tu peux t’asseoir si tu veux, je ne mords pas, c'est promis. »

Je brise le regard avec elle puisque trop la regarder me donne envie de fondre dans ses bras, et cela, même si son visage est plus jeune. Elle n’en reste pas moins ma mère. Alors tout en regardant le feu qui crépite dans la cheminée, je me permets une question simple :

« Toi aussi, tu as du mal à dormir ? »